dimanche 8 janvier 2012

L'impôt moral, juste une illusion



En moins d’une semaine, le Président de la République entend instituer deux nouveaux prélèvements qui auraient des vertus morales : la TVA sociale visant à améliorer la compétitivité de l’outil productif français et la taxe sur les transactions financières qui taxeraient un secteur jugé responsable de la crise actuelle.

Aujourd’hui, un impôt se doit d’être moral. Il doit combattre tous les bas instincts du contribuable, il doit aller à l’encontre des comportements déviants. Ce caractère éthique passerait devant l’objectif numéro un d’un impôt, celui de faire entrer dans les caisses publiques de l’argent. Les gouvernements vont jusqu’à prétendre qu’ils seraient heureux si par des changements de comportements, le rendement de l’impôt devenait nul. Bien évidemment, c’est juste de la communication ou de l’effet de style. Il n’en demeure pas moins que pour faire passer des augmentations de prélèvements, ils usent et abusent de l’éthique, de l’équitable, du développement durable.

La liste est longue de ces impôts moraux et la liste n’en finit pas de s’allonger. Il y avait la taxe sur le tabac, sur les alcools, la taxe sur la pornographie ; il y a depuis le début de l’année, la taxe sur les sodas. Il faut ajouter les taxes ou les impôts qui frappent des secteurs d’activité qui sont accusés de se faire l’argent sur le dos de la société. Bien évidemment, dans cette catégorie, il y a les taxes sur les paris, les casinos et les lotos. Il faut bien taxer cette activité peu morale afin de dissuader les Français de s’y adonner sans raison. En renchérissant le prix des jeux, les Français joueront moins tout en donnant plus à l’Etat. D’une autre manière, le secteur pharmaceutique est abonné aux taxes spécifiques car il est censé gagner trop bien sa vie. La France est le pays où les médicaments sont les plus chers tout en imposant le plus les laboratoires pharmaceutiques. Au temps du développement durable, la taxe intérieure sur les produits pétroliers peut être rangée dans la catégorie des contributions éthiques. Toujours dans le même esprit, les riches sont désormais viser par une fiscalité spécifique à travers une contribution exceptionnelle de 3 et de 5 % qui s’ajoute à leur impôt sur le revenu. Cette contribution a été instituée en mettant en relief que les riches étaient trop riches et qu’ils devaient au nom de la solidarité fournir une dime exceptionnelle au nécessaire redressement des finances publiques.

Le sucre, le pétrole, les transactions financière, les jeux ont remplacé le sel d’hier qui supportait la gabelle.

Dans tous les cas, le contribuable final est le payeur que ce soit dans l’incorporation de l’impôt ou de la taxe dans la chaîne de production ou directement de l’achat. Un impôt quel qu’il soit est payé par le contribuable qui est tout à la fois un consommateur, un épargnant ou un entrepreneur.

La TVA sociale n’échappe pas à la règle. Pour la faire accepter par le plus grand nombre, elle a été affublée du terme « social » un peu comme au temps des démocraties populaires de l’est. Il s’agit donc d’un impôt social. Il vise également à nous punir d’acheter chinois, japonais ou allemand. Il faut dire que les Français sont, en la matière, assez irrationnels. D’un côté, ils demandent plus de protection aux frontières et de l’autre ils se ruent sur toutes les nouveautés importées.


La TVA sociale a donc comme objectif d’atténuer le poids des charges sociales, de manière très réduite par ailleurs, et de taxer non plus le cycle de production mais la consommation. Ce tour de passe-passe vise à améliorer la compétitivité française mise à mal ces dernières années. A défaut de jouer sur le positionnement de l’appareil productif, les pouvoirs publics modifient à la marge les règles du jeu fiscal.

Le problème de l’outil productif français n’est pas ses coûts fiscaux et sociaux mais bien son mauvais positionnement. De toute façon, à défaut de s’attaquer aux dépenses publiques, il faut trouver des ressources. La France a un niveau de dépenses publiques supérieur de quatre points à celui des autres pays de l’Union européenne. Il faut donc adapter par voie de conséquences les ressources.

En économie, il y a une vieille règle, un outil ne doit pas poursuivre plusieurs objectifs faute de quoi il n’en atteint aucun. La TVA sociale n’échappera pas à cette règle. A rechercher tout à la fois, sans l’avouer, de nouvelles recettes et une amélioration de la compétitivité de l’économie, le Gouvernement risque avant tout de perdre en croissance à travers une baisse de la consommation et obtenir de faibles gains à l’exportation.

En effet, en passant la TVA de 19,6 à 22,6 %, le gouvernement peut opérer un transfert de 5 à 6 points de cotisations sociales. S’il y a augmentation salariale à la clef, la TVA sociale affectera les retraités et plus globalement les inactifs. C’est une manière déguisée de créer un impôt sur les retraités. S’il n’y pas d’augmentation salariale (dans le cas d’un allégement des cotisations patronales), les entreprises pourront arbitrer entre la reconstitution de leurs marges (qui ont diminué depuis trois ans) et donc investir ou diminuer leurs prix afin de maintenir leur demande.

A terme, l’opération TVA sociale sera neutre sur l’économie du fait des jeux de compensations sauf si l’exportation enregistrerait une forte augmentation. Malheureusement compte tenu de la concurrence mondiale et du mauvais positionnement de nos biens et services, cette contribution extérieure risque d’être faible.

La taxe financière que veut instituer le Président de la République obéit également à la logique de la moralisation. Elle vise à lutter contre la spéculation et les institutions financières jugées coupables de la crise actuelle. Nicolas Sarkozy est prêt à l’instituer dans la seule France avec comme slogan que ceux qui m’aiment me suivent. Or, la taxe sur les transactions financières reste d’être inefficace voire être dangereuse. Si Londres, Luxembourg, Berlin, New-York n’appliquent pas la taxe Tobin, comment empêcher les banques françaises de continuer à opérer en offshore ? Le risque n’est-il pas de pénaliser la place financière de Paris qui est déjà bien faible ? Qui paiera cette taxe ? Pas les banques car in fine, elles reporteront son coût sur ses clients c'est-à-dire les particuliers et les entreprises, avant tout les PME qui ne peuvent pas se financer sur les marchés internationaux. Par ailleurs, d’un côté, les banques sont aux abois du fait de la crise des dettes souveraines, de l’autre, elles sont taxées car jugées immorales.  

Un bon impôt est un impôt efficace, simple, admis de tous. La TVA et la CSG sont de bons impôts. Certes, la CSG est, en ce qui concerne son affectation, un véritable mille-feuille servant tout à la fois à l’assurance-vieillesse, aux assurances familiales ou à l’assurance-maladie… Il serait absurde de fusionner la CSG avec l’impôt sur le revenu car par définition au fil du temps et de la démagogie, elle subirait le même sort que ce dernier. Le nombre des exonérés et des niches augmenterait année après année. De même, il ne faut pas faire de la TVA un impôt attrape-tout. Au-delà d’un cinquième du prix de vente, le risque de fraude devient important. En se rapprochant du quart, il est certain que les tentations iront croissantes.

L’impôt moral serait celui qui s’appuierait sur une diminution des dépenses mais par nature il est bien plus difficile à mettre en œuvre que les contributions sur les sodas ou les jeux. Il faut donc souhaiter que les Français développent tous les vices possible afin qu’ils contribuent au renflouement de l’Etat. A la limite, au nom de la TVA sociale, continuons d’acheter à l’étranger, si possible du Coca Cola ou du Whisky.


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