mardi 23 novembre 2010

Juste un autre monde

L’Europe vit au rythme des crises des dettes souveraines des Etats membres. Entre deux crises, le débat se focalise sur la valeur de l’euro jugée surévalué. Cette valeur n’est pas immuable comme le démontre les accès de faiblesse en période de crise.

Face aux mouvements de change, face aux attaques spéculatives des investisseurs, face à la concurrence jugée inéquitable des pays émergents, la tentation protectionniste refait surface en Europe.

Or, au même moment, les pays de l’Association des Pays du Sud-Est Asiatique (ASEAN), rassemblant un grand de pays émergents d’Asie, élaborent un espace de libre échange rassemblant trois des quatre grandes puissances économiques du monde : Les Etats-Unis, la Chine et le Japon. L’Europe semble ne pas vouloir prendre la route de la croissance et de rester en dehors du cours de l’histoire

Le commerce extérieur est un des moteurs clef de la croissance surtout pour des pays vieillissants comme l’Europe. En 2010, le commerce international s’est accru de plus de 12 % et a permis à l’Allemagne de renouer avec une croissance dynamique mais pour le moment ce pays qui a réussi à régénérer son « hinterland » reste isolé au sein de la zone euro.

Les questions que l’Europe doit régler c’est quel mode de vie elle souhaite pour ses citoyens dans 10 ou 30 ans et dans quel cadre ?

Souhaitons vivre de nos rentes et laisser filer le temps au prix d’un démantèlement de notre système de protection sociale et au prix de l’émigration des meilleurs ou des plus volontaristes de nous ?

La réponse est tout à la fois dans la main des dirigeants et des peuples, les investisseurs arbitrant sur le capacités de remboursement des dettes accumulées.

L’autre question est le choix de ou des alliances. L’Europe peut décider de se tourner vers l’Est comme elle l’avait fait à la fin du 19ème siècle, c'est-à-dire vers la Russie qui servirait de pont avec le monde asiatique. Ses richesses naturelles et ses espaces seraient des garanties d’expansion pour l’Union européenne qui demeure le premier marché commercial du monde. Évidemment, il y a quelques obstacles à lever. Le premier est lié à la nature du régime politique de la Russie mais que dire de celui de la Chine ? Le régime russe est une démocratie autoritaire ou tsarine… L’autre problème provient du fait que la Russie est confrontée au même problème que le reste de l’Europe, le vieillissement accéléré de sa population. En revanche, ses besoins d’équipement et la soif de consommation sont élevés. Ce pays doit également préparer l’après pétrole et gaz.

La deuxième voie pour l’Europe est de nouer une alliance forte avec les Etats-Unis au nom de la défense de valeurs communes. En termes de croissance, il est toujours plus valorisant d’échanger avec un pays ayant un niveau équivalent ou proche du sien. Il conviendrait d’arrêter de se focaliser sur la valeur du dollar. En effet, en vertu de quoi pouvons nous refuser aux Américains de jouer à la baisse la valeur de leur monnaie afin de rétablir leur balance commerciale déficitaire d plusieurs centaines de milliards de dollars quand nous réclamons la même chose au nom du même principe pour l’euro.

Les capacités d’innovation des Etats-Unis demeurent élevées et les partenariats sont importants avec l’Europe et en particulier avec la France (construction des moteurs d’Airbus et de Boeing).

La capacité de créer des symboles à valeur mondiale reste l’apanage des Américains. Apple et les firmes d’entertainment le prouvent au quotidien.

L’Europe aurait tout intérêt à s’arrimer plus fortement aux Etats-Unis afin de participer au nouvel élan de croissance.

La troisième voie est plus délicate même si elle ne manque pas de panache. C’était le rêve de Nicolas Sarkozy de créer l’espace euro-méditerranée. Associer les pays du Maghreb, du Proche Orient, la Turquie à l’Europe a du sens pour l’avenir. La population active se trouve au sud tout comme les gisements de croissance, d’énergie et de matières premières. Le problème est de surmonter les blocages psychologiques, les clichés et le passé. Pour le moment, cette voie est en cale sèche.

Comme l’indique avec force et conviction Patrick Messerlin, professeur des universités de Sciences Po et Président du Groupe d’Economie mondiale, si « l’Europe se protégeait du reste du monde, elle ferait la même erreur que la Chine il y a quatre siècles, erreur qui l’a entraîné dans une décadence dont elle se relève à peine maintenant ».

Le repli sur l’Europe serait se couper des marchés et des civilisations. Elle conduirait à assister passivement à la mutation de l’économie du 21ème siècle. Le rêve de certains de réduire les échanges à travers des accords préférentiels de commerce (des accords donnant/donnant) contraire à l’esprit de l’après seconde guerre mondiale avec les accords du GATT constitue un recul dangereux. Le libre échange constitue le grand fondement de l’économie d’après 1945 qui permet de sortir des régions entières du sous-développement. Il serait absurde que l’Europe replonge dans les affres du protectionnisme au moment même où une part croissante de l’humanité tire profit des valeurs qu’elle a elle-même défendues face à l’URSS pendant 50 ans. Il faut cesser de marteler le problème des coûts de main d’œuvre. Ainsi, dans le prix d’une chaussure de sport, plus de 60 % de la valeur est liée à la création, aux dépenses de marketing, aux dépenses de promotion des ventes et des services attachés… Cette création de valeur sera de plus en plus mondialisée et tant mieux mais elle est par nature partagée entre les pays concepteurs, les pays producteurs et les pays dans lesquels les ventes s’effectuent.

Il est donc urgent de rester fidèle aux conceptions libérales faute de quoi….

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