jeudi 12 mars 2009

Taxation du patrimoine, ne pas croire aux vieilles antiennes

Le Conseil des Prélèvements obligatoires qui dépend de la Cour des Comptes a rendu public un rapport sur le patrimoine des ménages qui présente tout à la fois l'évolution de ce patrimoine et les prélèvements assis sur sa détention, sa transmission ou ses revenus. Il comporte également quelques pistes de réformes afin d'améliorer un système complexe.

L'Etat des lieux


De 1997 à 2007, la richesse des ménages est passée de 3 800 milliards d'euros à 9 400 milliards d'euros soit de 160 000 à 380 000 euros par ménage. Le rapport entre le patrimoine net et le revenu disponible brut qui était resté stable de 1987 à 1997 a fortement augmenté après 1999. Cette croissance plus forte que la moyenne constatée au sein de l'OCDE s'explique par l'appréciation de l'immobilier.

Le patrimoine des ménages est constitué à deux tiers par des éléments non financiers, essentiellement des logements et des terrains ainsi que de manière plus marginale par des actifs professionnels. Le poids de l'immobilier est de 50 %, l'épargne financière un peu plus de 33 % et les biens professionnels de 15 %.

L'épargne financière est constituée à hauteur des deux tiers par l'assurance-vie et de dépôts. Cette épargne est peu diversifiée et la part en actifs dit risqués reste très faible.

La concentration du patrimoine est restée stable depuis 1990. 10 % des ménages possèdent près de la moitié du patrimoine brut total. Ces inégalités s'expliquent par l'âge, la catégorie sociale, les transmissions intergénérationnelles.

Les Prélèvements


Les membres du Conseil des Prélèvements Obligatoires soulignent que l'imposition frappant le patrimoine s'est accrue. Contrairement aux idées reçues, depuis dix ans avec les contributions sociales et l'augmentation du poids de la taxe foncière, les prélèvements sur le patrimoine ont augmenté et placent la France en tête du peloton en la matière.

Les prélèvements assis sur la détention du patrimoine

La France est désormais un des rares pays à avoir conservé un impôt sur la fortune. Les autres pays l'ont supprimé du fait de son faible rendement et de ses effets pernicieux. Ainsi, l'Allemagne l'a abandonné en 1997 après une décision du Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe. En contrepartie, la tranche marginale de l'impôt sur le revenu a été augmentée de 3 %.

L'ISF a rapporté, en 2008, 3,8 milliards d'euros soit 1,5 % de l'ensemble des prélèvements sociaux. Du fait des différentes mesures prises en faveur du financement de l'investissement productif et de a chute des cours des actions, le rendement de l'ISF est amené à diminuer dans les prochaines années. Cet impôt se rapproche de plus en plus d'une imposition des propriétés foncières et s'ajoutent ainsi aux taxes foncières.

Les taxes foncières souffrent de la vétusté de leur base qui datent de 1972. De ce fait, depuis 40 ans, elles n'ont imparfaitement pris en compte les évolutions urbanistiques que la France a connues. La France est un des pays dont les taxes foncières sont les plus élevées.

Les prélèvements assis sur la transmission du patrimoine

Les droits de mutation à titre gratuit bénéficient depuis la loi du 21 août 2007 de multiples exonérations. Néanmoins, les taux restent élevés, jusqu'à 40 % en ligne directe et 60 % en ligne indirecte. Le montant des abattements qui n'avaient pas été réévalués depuis trente ans l'ont été en 2007 mais restent inférieurs à la moyenne de l'OCDE. Le dispositif en faveur de la transmission de l'entreprise est en revanche compétitif. Le rendement des droits de mutation à titre gratuit a augmenté de 50 % en dix ans du fait de la valorisation des patrimoines.

Le régime de la donation permet de prendre en compte l'allongement de la durée de la vie et d'éviter une stérilisation excessive du patrimoine.

Les droits de mutation à titre onéreux frappent essentiellement les valeurs immobilières. Le niveau de l'impôt se situe néanmoins au niveau de la moyenne européenne. Ils constituent une recette importante des collectivités locales. Ils pénalisent les ménages modestes et les primo-accédants. Certains pays ont prévu des abattements en faveur des ménages modestes.

Les prélèvements assis sur les revenus du patrimoine

Les revenus du patrimoine ont été évalués en 2007 à 151 milliards d'euros qui doit être ramené à 40 % du montant du patrimoine des ménages, 60 % étant lié à l'immobilier non producteur de revenus et à des actifs professionnels générant des revenus professionnels. Le rendement du patrimoine est, de ce fait, de 3 % l'an.

Les prélèvements fiscaux et sociaux ont atteint en 2007 24,2 milliards d'euros ; ce montant a doublé entre 1997 et 2007 en raison de l'augmentation des prélèvements sociaux (12,1 % en 2009). L'imposition des revenus du patrimoine est supérieure à la moyenne européenne.

Les rapporteurs soulignent la nécessité de réexaminer les régimes fiscaux et sociaux de l'assurance-vie et du PEA. Ils soulignent que la taxation de l'épargne financière est un véritable maquis composé de régimes différents ayant chacun en leu sein des dispositifs dérogatoires.

Evaluation d'ensemble des Prélèvements


Les prélèvements sur le patrimoine représentent 8 % du total des recettes. Ils ont doublé depuis 1965. la moyenne au sein de l'OCDE est de 5,7 % contre 7,9 % en 1965.

Le montant total des prélèvements sur le patrimoine est de 65 milliards d'euros soit 3,4 % du PIB en progression de 0,8 point depuis 1997.

Les rapporteurs mentionnent que les prélèvements sur le patrimoine reposent sur des assiettes peu homogènes et sur des règles peu transparentes. La dépendance des collectivités locales vis-à-vis des taxes foncières et des droits de mutation à titre onéreux rend les réformes délicates à mener.

La fiscalité du patrimoine est illisible pour les ménages et ne permet pas une allocation optimale des ressources sauf pour les experts en optimisation fiscale.

Conclusion

Les membres du Conseil des prélèvements obligatoires préconisent une mise en perspective de la fiscalité du patrimoine en lui assignant des objectifs clairs : développement économique, prise en compte des capacités contributives...

A cet effet, ils souhaitent l'adoption d'assiettes larges avec le recours à des taux modéré en s'inspirant des systèmes en vigueur chez nos partenaires.

Ils posent la question taboue de la suppression de l'ISF qui est devenu un impôt foncier bis. Ils proposent soit son intégration dans la taxe foncière, soit sa suppression avec augmentation de l'IR. Ils demandent la réforme des bases locatives et une modernisation des droits de mutations à titre onéreux.

Ils sont favorables aux dispositifs incitatifs en faveur des donations.

Ils considèrent que les taux de taxation sur les revenus issus des placements financiers a atteint un maximum surtout au regard du besoin de financement de l'Etat. Le choix de relever les prélèvements sociaux dilue la progressivité de l'impôt sur le revenu et remet en cause les politiques d'orientation de l'épargne.

Enfin, les rapporteurs concluent sur les conséquences de la crise sur les finances publiques et en particulier sur les finances locales. Ils mentionnent que l'élaboration d'un cadre européen de taxation du patrimoine reste toujours d'actualité.

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